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Pas de méthode universelle: Les besoins variés des entreprises sociales et inclusives




Dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les entreprises ayant comme objectif principal la création d’impact social ou environnemental positif sont connues sous de nombreux noms : entreprise inclusive, entreprise sociale et solidaire, société sociale, entreprise à impact. Bien que le concept d’entreprise à but social ne soit pas nouveau, il n’existe aucune définition universelle et officielle pour ce type d’organisation dans les pays de l’ACP. De plus, ces entreprises prennent différentes formes et présentent une grande variété en terme de taille, d’actifs, de trajectoire de croissance, d’accès au marché, etc. Compte tenu de cette diversité, il est surprenant que les investisseurs et les autres bailleurs de fonds sociaux n’adaptent pas leur approche aux différentes entreprises sociales pour bâtir leur portefeuilles d’investissement. Pourquoi, et qui avons-nous pu oublier ?

Ces sujets ont été discutés lors d’un événement le 26 novembre 2020. Parmi les orateurs figuraient Rahmatoulaye Fall (British Council), Claudia Belli-Jeanteur (Global Head of Social Business and Microfinance chez BNP Paribas) et Sarah Ouedraogo (Cheffe du service Entrepreneuriat et Insertion Professionnelle à l’institut 2iE). REGARDER L’ENREGISTREMENT ICI.

Remise en cause de l’approche de la démarche unique

L’accès variable au capital et une attention particulière portée à la maturité des entreprises sont deux questions récurrentes qui caractérisent les aspects de l’offre et de la demande de financement social. D’après l’enquête intitulé « STATE OF SOCIAL ENTERPRISE », commissionnée par le British Council, ces questions sont pertinentes à travers le monde. La taille d’une entreprise, par exemple, constitue un vrai défi. Par exemple, les fonds de capital-risque avec un accent sur l’impact en Amérique latine ont levé 2,55 billions de $ US entre 2011 et 2016, mais ces investisseurs ONT LARGEMENT ÉVITÉ d’investir dans les entreprises n’ayant pas atteint un stade de développement suffisant. De même, seulement 11 % du capital consacré à l’investissement avec impact dans les marchés émergents étaient destinés à l’investissement pour nouvelles entreprises dans les premieres phases de leur développement, d’après L’ENQUÊTE 2020 DU GLOBAL IMPACT INVESTING NETWORK (GIIN).

Pourtant, la taille de l’entreprise n’est qu’un facteur parmi tant d’autres affectant l’accès au financement des entreprises sociales. Pour une approche plus inclusive à l’investissement, une compréhension plus nuancée des caractéristiques des entreprises et du contexte des investisseurs est nécessaire. La diversité des dénominations pose aussi problème. Dans les pays de l’ACP, les entreprises à vocation sociale sont souvent désignées par deux termes : les entreprises sociales et les entreprises inclusives. Selon la DÉFINITION DE L’UNION EUROPÉENNE (UE) :

« Une entreprise sociale est un agent de l’économie sociale dont l’objectif principal est d’avoir un impact social plutôt que de réaliser un profit pour ses propriétaires ou actionnaires. Elle fonctionne en proposant des biens et services sur le marché de manière entrepreneuriale et innovante et emploie ses bénéfices pour atteindre des objectifs sociaux. Elle est gérée de manière responsable et ouverte et, en particulier, implique les employés, les consommateurs et les actionnaires concernés par ses activités commerciales. »

Les entreprises inclusives sont DÉFINIES comme suit:

« Les entreprises inclusives fournissent des biens, des services et des moyens de subsistance sur une base commerciale viable, à l’échelle ou de façon modulable, aux personnes qui se trouvent à la base de la pyramide, ce qui les intègre dans la chaîne de valeur des entreprises en tant que fournisseurs, distributeurs, revendeurs ou clients. Le terme “base de la pyramide” fait référence au groupe socio-économique pauvre et à faible revenu de la société. » Elles peuvent être ou non considérées comme des entreprises sociales selon l’exemple en question.

Les dénominations peuvent donner des informations concernant les différentes formes juridiques et les modèles d’entreprises adoptés par les organisations, mais elles ne sont pas toujours exactes et peuvent être trompeuses. Il existe des coopératives de crédit, des organisations communautaires et des COOPÉRATIVES SOCIALES qui peuvent être des options pour l’enregistrement juridique dans certains contextes mais pas dans d’autres. D’autres termes plus génériques existent également tels que les entreprises à fort impact et les PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, qui ont également tendance à être plus orientées vers le profit mais peuvent être enregistrées de différentes manières. La popularité des différentes formes juridiques dépend fortement du contexte du pays, en particulier des types de réglementations qui favorisent différents types d’organisations comme celles à but lucratif ou non lucratif. Selon la cartographie sectorielle réalisée par le British Council, environ 15 % des entreprises sociales sont enregistrées comme des entreprises à but non lucratif au KENYA et en ÉTHIOPIE, alors que 41 % sont enregistrées comme telles (y compris les groups bénévoles) en JAMAÏQUE.

D’autres différences entre les entreprises sociales comprennent leur niveau de maturité, les secteurs dans lesquels elles travaillent et leurs communautés cibles (entre autres). En ce qui concerne la définition de « l’impact social » positif, de nombreux investisseurs ont leurs propres critères et méthodes de mesure, qui par ailleurs ne sont pas toujours adaptés aux contextes locaux et aux pratiques commerciales. Les programmes de certification officiels tel que le B CORPS peuvent fournir des garanties aux investisseurs, mais de nombreuses entreprises à fort impact peuvent ne pas être en mesure de mener à bien leur évaluation. Cela peut être dû au fait qu’ils sont à un stade trop précoce, car pour devenir B Corps une entreprise doit démontrer au moins quelques années d’expérience. Parfois, les entreprises ne possèdent pas les ressources pour rassembler la documentation et ne trouvent pas le temps de réaliser l’évaluation. Selon B Lab Africa, l’organisation à but non lucratif qui certifie les futures entreprises à fort impact comme B Corps en Afrique, il y a environ 45 entreprises certifiées à travers le continent, sur 3 500 certifiées par B Corps à travers le monde, principalement aux États-Unis.

Les besoins des entreprises sociales et des entreprises à fort impact varient également en fonction des entrepreneurs. Au KENYA, les propriétaires d’un peu plus de la moitié des entreprises sociales sondés étaient âgés de 35 ans ou moins. Pourtant, une preuve anecdotique des organisations d’assistance au Nigéria suggère que les entrepreneurs sociaux âgés de plus de 30 ans et avec de l’expérience dans le secteur ont plus de chances de réussir et sont prioritaires pour les investissements. Les pays de l’ACP ont LA PLUS GRANDE CONCENTRATION DE JEUNES dans le monde : plus d’un cinquième de la population jeune mondiale provient des pays de l’ACP. Le soutien axé sur les besoins spécifiques des jeunes pour démarrer, faire marcher et maintenir des entreprises sociales sera important pour assurer le succès de ces organisations.

Il y a une autre hypothèse communément admise par les investisseurs et qui doit être remise en question : l’extension est l’objectif primaire des entreprises sociales et des entreprises à fort impact. Certaines entreprises sociales n’aspirent pas à croître, ou ne réussissent pas à croître, au-delà de la communauté ou du pays dans lequel elles ont été fondées. Il ne s’agit pas d’une mauvaise chose, en particulier si l’entreprise est encore capable de générer des bénéfices pour les investisseurs ainsi qu’un bénéfice pour la communauté. Dans le Pacifique, les entreprises locales, qui se concentrent sur les marchés et services locaux, sont extrêmement répandues. Un RAPPORT FSG a analysé plus de 400 entreprises prometteuses en Afrique, et a démontré que seulement 13 % d’entre elles ont atteint un niveau significatif. L’attente de l’investisseur selon laquelle le redimensionnement est la panacée n’est souvent pas réaliste. Dans l’espace entrepreneurial élargi, le consortium fondateur de ZEBRAS UNITE est apparu comme un contraste à cet état d’esprit de croissance à tout prix. Contrairement aux « licornes » de la Silicon Valley, les « zèbres » rejettent la « QUANTITÉ SUR LA QUALITÉ, la consommation à la création, les sorties rapides à la croissance durable et le profit des actionnaires au partage de la prospérité. »

Même pour ces entreprises sociales et inclusives qui ont pour objectif de croître, certaines définissent la croissance différemment. L’ÉTUDE SUR LES ENTREPRISES SOCIALES AU ROYAUME-UNI du British Council a révélé que dans le cadre de leurs efforts d’internationalisation, de nombreuses entreprises croissent de manière horizontale plutôt que vertical, c’est-à-dire qu’elles permettent à leurs partenaires de copier les modèles et de les reproduire, plutôt que de tout développer depuis un siège social centralisé. Cette croissance horizontale, souvent soutenue par les contacts et réseaux locaux, permet également de tenir compte de la diversité et de s’adapter aux spécificités culturelles.

En plus de privilégier certaines formes, modèles et tailles d’entreprise dans la constitution de leurs portefeuilles, les investisseurs peuvent également contourner des formes établies de soutien financier. Ils peuvent imposer des concepts « occidentaux » de solvabilité aux communautés, alors même que la création de systèmes de crédit localisés peut être plus efficaces et inclusifs. En Afrique, les mécanismes d’épargne informels avec des groupes de personnes remontent au 16e siècle et représentent l’un des systèmes bancaires informels les plus traditionnels. Ceux-ci sont connus sous divers noms tels que les « TONTINES » au Sénégal et « SUSU » au Ghana. En Jamaïque, de tels systèmes sont connus sous le nom de « PAADNA ». Traditionnellement, ils permettaient aux particuliers de payer les frais scolaires, les factures d’hôpital, d’obtenir un logement et de créer des entreprises ; et maintenant, ils sont numérisés afin de fournir des microcrédits aux personnes non bancarisées.

VERS UN SOUTIEN PLUS APPROPRIÉ AUX ENTREPRISES SOCIALES ET AUX ENTREPRISES À FORT IMPACT

Que se passerait-il si LA DYNAMIQUE MENÉE PAR LES INVESTISSEURS relative au financement d’une entreprise sociale était inversée pour donner la priorité à l’impact social sous toutes ses formes, – et qu’est-ce qui doit changer pour soutenir cette évolution ?

Des politiques d’innovations et d’autres mesures existent qui peuvent soutenir le développement d’une entreprise sociale sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions. Comme indiqué dans l’étude « 2020 SOCIAL ENTERPRISES AND THEIR ECOSYSTEMS IN EUROPE (2020 LES ENTREPRISES SOCIALES ET LEURS ÉCOSYSTÈMES EN EUROPE) », les ressources externes, y compris la philanthropie traditionnelle et la philanthropie d’entreprise et l’investissement social promu par les acteurs issus à la fois des milieux philanthropiques et commerciaux, ont joué un rôle dans l’émergence et le développement des entreprises sociales. Parmi les exemples récents de soutien à l’entreprise sociale, on peut citer les fondations d’entreprise et les grandes sociétés soucieuses d’avoir un impact social. Les fonds et les fondations philanthropiques ont contribué à développer plus particulièrement des entreprises sociales qui sont plus solides sur le plan commercial, surtout dans les pays où les entreprises sociales ont connu un essor plus important (par exemple, au Royaume-Uni).

Plus largement, il semble y avoir un intérêt croissant pour les entreprises sociales et les autres entreprises à fort impact, ainsi que pour leur financement. Par exemple, la pandémie à Covid-19 a accéléré le déploiement de CAPITAUX VERS LES ENTERPRISES SOCIALES. Compte tenu de leur objectif principal qui est de générer un impact social et environnemental positif, les entreprises sociales étaient bien placées pour relever les défis posés par la pandémie à Covid-19. Par exemple, une entreprise inclusive, AFEX, a indiqué dans UNE INTERVIEW AVEC GIZ que les programmes de financement lancés par la Banque centrale du Nigéria et le Ministère de l’Agriculture ont été vitaux pour son entreprise, car ses liquidités avaient diminués dangereusement. L’urgence de la pandémie incite à des décisions d’investissement plus rapides, à l’encontre des processus de vérification qui durent des mois, et elle incite également les investisseurs à partager des informations de diligence raisonnable entre eux. Il se peut que le besoin pressant de relever les défis sociaux liés à la pandémie de Covid-19 pousse à repenser les pratiques d’investissement.

En second lieu, alors que les investisseurs ont eu tendance à se concentrer sur les entreprises sociales les plus performantes et celles qui peuvent se développer, une plus grande attention devrait être accordée aux entreprises dont les besoins ne sont actuellement pas satisfaits et pourquoi ils ne le sont pas. S’il existe un potentiel d’impact, mais que des inquiétudes subsistent quant aux risques, aux garanties financières et aux instruments de financement mixte tels que ceux proposés aux pays partenaires via le FONDS EUROPÉEN POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE (FEDD) qui deviendra mondial dans le cadre de la nouvelle initiative de voisinage, de développement et de coopération internationale (NDICI), d’autres instruments financiers déployés par les IFD européennes et britanniques, ainsi que le soutien des gouvernements peuvent contribuer à combler les lacunes. Ou peut-être existe-t-il des mesures politiques visant à encourager une plus grande flexibilité et une plus grande réactivité des investisseurs face à différentes formes d’entreprise et de contextes locaux.

Enfin, ces mesures peuvent s’inscrire dans une stratégie plus large des décideurs politiques visant à remédier à certains déséquilibres et relations de pouvoir bien ancrés entre les investisseurs et les entrepreneurs, et à favoriser une approche plus participative de l’investissement en vue d’obtenir un impact. Par exemple, le programme INNOVATIONS CONTRE LA PAUVRETÉ, financé par l’AGENCE SUÉDOISE DE COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT) et géré par la SNV en partenariat avec le CENTRE D’INNOVATION BOP et les ENTREPRISES INCLUSIVES EN SUÈDE, cherche à inciter le secteur privé à proposer des produits, des services et des modèles commerciaux innovants pour contribuer à la lutte contre la pauvreté, en travaillant dans plusieurs pays dont l’Éthiopie, l’Ouganda et la Zambie. De tels partenariats ont l’intention de fonctionner comme un mécanisme de partage des risques pour stimuler le développement des entreprises inclusives et des entreprises sociales. Un autre exemple est l’INCLUSIVE BUSINESS ACTION NETWORK (IBAN), une initiative mondiale soutenant l’extension et la reproduction de modèles d’entreprises inclusives, financée par l’UE et le BMZ et mise en œuvre par le GIZ. Les principaux porteurs de cette initiative travaillent en étroite collaboration avec les décideurs politiques et les entreprises afin de faciliter les dialogues et les partenariats.

RETROUVEZ L’ENREGISTREMENT DE L’ÉVÉNEMENT FRANÇAIS SUR LA DEMANDE DE FINANCEMENT SOCIAL ICI.

La Facilité ICR a soutenu la production de cette publication. Elle est co-financée par l’Union européenne (UE), l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) dans le cadre du 11e Fonds européen de développement (FED), le ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ) et le British Council. La Facilité ICR est mise en œuvre par la GIZ, le British Council, Expertise France et SNV. Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de l’auteur et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’UE, de l’OEACP, du BMZ ou des partenaires de mise en œuvre.

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